Alors que les jeunes et les musiciens s’excitent à l’approche du 21 juin, certains ne voient pas d’un bon œil la fête de la musique, et voudraient même la faire interdire.
Laurent et Oumé vivent au-dessus d’un bar. Le jeune couple a un bébé de dix-huit mois. Laurent travaille en horaires décalés, il se lève à 3 heures du matin et se couche vers 21 heures. « C’est le calvaire. La musique assourdissante ne cesse pas avant minuit, une heure du matin. L’an dernier, notre bébé a pleuré et a eu des petits cernes pendant plusieurs jours », se souvient Laurent. Oumé ajoute : « Laurent doit se lever très tôt, mais à cause du bruit, il ne peut pas dormir. Il conduit des engins lourds, ça peut être dangereux pour lui de rester sans sommeil… sans parler des gens qui sortent saouls du bar ! »
Pour le couple, la Fête de la musique est une idée intéressante : eux-mêmes musiciens amateurs, ils ont même participé à des concerts. « Mais dans des salles, pas dans la rue ! » précisent-ils. « Sans parler de la qualité douteuse des musiciens : il serait bon de délivrer des permis comme pour les musiciens de la RATP ! » En attendant, impossible pour eux de quitter leur grand deux pièces en plein centre de Paris, qu’ils louent pour une bouchée de pain (650 euros par mois), justement en raison de la proximité avec le bar bruyant.
En 2008, dans le Marais, une vive polémique avait éclaté entre des établissements désireux de mettre en place des installations spéciales Fête de la musique d’une part, et les autorités, interdisant ces dites installations d’autre part. L’occasion alors de rappeler que la règlementation est stricte : les haut-parleurs, par exemple, doivent être orientés vers le bar et non vers la rue.
Contrairement à une idée reçue, que le bruit des voisins soit émis avant ou après 22 heures ne change rien. En revanche, le Code de la Santé a une définition stricte de la « gêne auditive » émise par des bars ou des établissements publics (restaurants, entreprises, ateliers) : elle est fixée à 25 décibels relevés dans le logement du plaignant, à faire établir par constat d’huissier (voir notre article sur le sujet). Pas toujours facile… et puis « On peut prendre sur soi pour une soirée ! On ne peut pas nous interdire de nous amuser, surtout pour une soirée où tout le monde est prévenu à l’avance ! » proteste le gérant du bar en bas de chez Laurent et Oumé.
La consommation excessive d’alcool est aussi au cœur des préoccupations d’Agnès. Mère de deux filles, elle a dû intervenir plusieurs fois pour défendre ses enfants : « Les deux dernières années, j’ai passé la Fête de la musique au commissariat et aux urgences. L’an dernier, ma fille aînée a eu une côte fracturée dans une bousculade dans le RER, et l’année d’avant ma fille cadette s’était fait voler son téléphone portable et agresser violemment en pleine rue par des types bourrés. » Pour elle, la Fête de la musique est une bonne idée, mais elle est trop mal encadrée. « Déjà, quand j’étais plus jeune, il y a une dizaine d’années, c’était la catastrophe ! Jeunes avec des canettes de bières, bandes dangereuses, voitures qui continuent de rouler alors que les rues sont en théorie devenues piétonnes… » La fête gratuite a donc un coût non négligeable, selon elle.
En 2007, à Reims, 17 personnes avaient été blessées lors de la Fête de la musique. En 2008, à Paris, on relevait une agression antisémite contre un jeune homme de 17 ans, plongé dans le coma. L’an dernier, dans toute la France, 223 personnes étaient interpellées et 196 placées en garde à vue dans la nuit du 21 juin. À Bordeaux, on relevait même 6 blessés par balles !
Si vous êtes organisateur, prévenez les voisins et les riverains que vous prévoyez un concert ou un spectacle. Si vous passez la Fête de la musique dans une grande ville, quelques conseils : évitez les endroits trop fréquentés (tout le quartier Saint-Germain à Paris par exemple), n’emmenez aucun objet de valeur, optez pour un sac qui ferme bien et tenez-le fermement. Si vous rentrez en transport en commun, n’attendez pas le dernier bus ou le dernier métro (ou alors, prenez carrément le premier), souvent synonyme de cohue. Si vous conduisez, n’hésitez pas à vous munir d’alcootests ou à désigner un capitaine de soirée (« celui qui conduit, c’est celui qui ne boit pas », tout ça). Un alcootest coûte quelques euros : conduire en état d’ivresse coute 135 à 4 500 euros selon votre degré d’alcoolémie, des travaux d’intérêt général, 6 points de retrait de permis, et beaucoup plus en cas d’accident…
Pour finir, Léa, 11 ans, n’apprécie guère, elle non plus, la Fête de la musique. En cause ? La date choisie par Jack Lang – le jour de l’été. « Tous les ans, le 21 juin, on pense à la Fête de la musique… et on oublie de me souhaiter mon anniversaire ! » Bon anniversaire à ceux qui sont nés un 21 juin, donc, et bonne Fête de la musique à tous.