Ah, les préjugés sur les enseignants… « Vous finissez à 16 h 30 tous les jours » « vous passez vos journées assis à un bureau » le plus tenace, et évidemment d’actualité : les vacances ! Ecotidien interroge les premiers concernés.
En effet, 16 semaines de vacances et 26 heures de cours pour les professeurs des écoles (maternelle et primaire), 18 heures de cours pour les enseignants certifiés du secondaire (15 pour ceux qui ont été reçus au concours – difficile – de l’agrégation) ça paraît peu quand on travaille 40 heures, ou plus, et qu’on ne bénéficie que de 5 semaines de congés payés.
Un taux horaire confortable, mais…
Mais attention aux calculs trop rapides : le travail d’un enseignant n’est pas – et tant mieux – constitué que par les heures de cours. Une part importante de l’activité est constituée par les à-côtés. Rencontres collectives ou individuelles avec les parents qu’il faut rassurer, alerter ou simplement informer (rappelons que ces rencontres ne sont pas seulement une décision de l’enseignant, que les parents peuvent la souhaiter et que le professeur ne peut s’y soustraire : comprendre une note, une punition, discuter, tout bonnement se connaître).
Un professeur des écoles, par exemple, est tenu de rencontrer chaque parent d’élève deux fois dans l’année, dont une individuelle : Pour une classe de 27 élèves, sur 36 semaines de classe, vous aurez déjà donc presque un rendez-vous par semaine. Hamid, prof de math en banlieue, convoque systématiquement tous les parents parce qu’il veut tous les connaître. Et la seule mention de ces rencontres peut ramener le calme dans une classe… Et les conseils de classe qui sont précieux pour un enseignant : un élève peut être agité ou sérieux dans telle matière, mais pas dans telle autre. « Il faut les connaître pour les aider… » assure Hamid.
Des devoirs à faire à la maison !
« Il y a les sempiternelles corrections de copies, mais sur ce point, il ne faut pas exagérer : une copie de CM2 et une épreuve de baccalauréat blanc, ce n’est pas la même chose », affirme Carole, enseignante depuis quatre ans à côté de Nice. Cependant, seules les personnes ayant été confrontée à « Le peti là pain et dent un arbe » savent l’énergie qu’il faut pour déchiffrer une production d’écrit de primaire.
Cela dit, même en travaillant le soir de chez soi, ou en restant tous les soirs à l’école, les professeurs ont tous leurs samedis et dimanches libérés. « Je m’organise pour mon travail de classe : le mercredi matin, je travaille à l’école pour le jeudi et vendredi : photocopies, préparation de cours, correction de cahiers, etc. Le samedi matin, je fais pareil pour le lundi et mardi. J’ai 10 ans d’expérience, et c’est la meilleure organisation que j’ai trouvée. Les soirs de semaine, je rentre à 18 h 30, épuisée, je n’ai pas le courage de me replonger dans une préparation de classe. Cette organisation me laisse mes soirées libres, le mercredi après midi pour mes enfants, le samedi pour les courses et le dimanche en famille ! » raconte Julie, enseignante. Des libertés qu’on ne peut pas s’accorder dans toutes les professions…
Combien de pauses ?
Mais à l’inverse, les profs ne bénéficient pas de tous les petits avantages d’autres métiers. Impossible de surfer sur Internet pendant les heures de cours, impossible aussi de laisser la classe pour aller faire une pause-café ou partir aux toilettes, difficile d’arriver en retard… La responsabilité qui pèse sur les épaules des enseignants est énorme : l’avenir des élèves, ni plus ni moins, et parfois même leur vie !
Quant à la préparation des cours, elle est, d’un certain point de vue, permanente. On peut regarder la Coupe du Monde de foot de manière utile : Ernest, professeur de géographie à Paris, sait très bien qu’il doit apprendre les noms des joueurs allemands d’origine étrangère pour agrémenter son cours sur la démographie de l’Allemagne. Mais cela peut être, aussi, la réécriture complète du programme de l’année. Il y a beaucoup de choses à dire sur toute cette affaire. « On part des programmes officiels, publié chaque année en juin par le ministère. Les objectifs et notions à aborder dans chaque classe pour chaque domaine d’enseignement y sont classés. En partant de l’objectif principal, on liste les objectifs spécifiques, transversaux, les compétences, etc. En gros, pourquoi on fait cette leçon, ce que les élèves doivent avoir compris à la fin. »
Une préparation au bon vouloir de chacun
Le temps de préparation n’est pas le même selon l’expérience. Elle n’est quasi jamais contrôlée, les inspecteurs passant moins d’une fois tous les deux ans. En début de carrière, Charlotte avait du mal à préparer les leçons de sciences : « Je suis de formation littéraire, et faire cours sur les changements d’états de l’eau était très compliqué. Le cours de sciences doit suivre une démarche expérimentale : situation, découverte, émission d’hypothèses, expérience, schéma, conclusion, leçon. J’ai du tester les expériences chez moi, anticiper les hypothèses et schémas des élèves, préparer des exercices, leçons, l’évaluation. J’y ai passé des week-ends entiers, mais maintenant que ma séquence est prête, si j’ai à nouveau des CE2 je pourrais la reprendre et l’améliorer. »
Soif de reconnaissance
Soyons objectifs, la plupart des enseignants trouvent une certaine satisfaction dans leur travail : « J’adore quand j’arrive dans la cour et que mes élèves viennent me saluer. La meilleure satisfaction possible, c’est de voir qu’un élève a compris quelque chose. Par exemple, un qui avait des difficultés à lire et qui progresse ; un qui n’aimait pas la géographie, et qui suite à une séquence y prend gout. Ils sont attendrissants, rigolos. On s’échange leurs bons mots à la fin de la journée comme un « debrief », parfois, on se conseille entre collègues, sur comment présenter une nouvelle notion, réagir face à l’attitude d’un élève. Il y a peu de reconnaissance dans ce métier, pour la responsabilité et le stress qu’engendre la gestion d’une classe ; mais le vrai plaisir vient des élèves. »
Les enseignants ne sont pas payés l’été !
On oublie toujours que les vacances sont « payées » par ce salaire assez faible si on regarde la responsabilité. Un professeur des écoles, après deux ans de métier, gagne 1600 euros. Sachant que les enseignants sont classés comme cadre de catégorie A, soit le plus haut classement de la fonction publique ; leurs salaires sont calculés sur 10 mois, divisé par 12. « On peut donc considérer que les deux mois d’été sont dû sans solde ». La progression, si elle est régulière, est médiocre. Pas de quoi faire des folies ! Vous vous souvenez certainement de la chanson de M. Jonasz « Nous, il fallait faire attention / Quand on avait payé / Le prix d’une location / Il ne nous restait pas grand-chose. » ? C’est du vécu ! Ses parents étaient enseignants et le chanteur confiait « beaucoup de temps, peu d’argent »…
Et si, malgré tout ça, vous pensez que professeur est un « métier planque » et que ça ne doit pas être si dur que ça, sachez que le recrutement se fait à bac +5, et que le taux de réussite au concours est d’environ 15 %. Si l’aventure vous tente…