Cadres colorés au design épuré, pneus fins, absence de dérailleurs et look fashion. Vous avez certainement déjà vu filer ces vélos dans les rues de Paris. On les appelle les fixies ou vélos à pignon fixe. Depuis quelques mois, ils font un carton un peu partout en France.
Le principe ? Un vélo sans dérailleur, sans vitesse ni roue libre, le plus souvent sans freins et un effort continu pour faire avancer la machine : les pédales sont directement reliées à la roue arrière, comme sur un vélo de piste. Et pour freiner, on fait un « skid ». « On transfère notre poids en avant tout en bloquant le pédalier. Ça permet de glisser », précise Simon, jeune Lyonnais. Ce sont les jambes qui contrôlent la vitesse.
Souvent, les freins sont bannis. « Beaucoup les retirent, car ils cassent l’esthétisme de l’engin, confie Thibaut, passionné de 27 ans. Pour les puristes, rouler avec des freins, c’est tricher. » Mais Jean-Frédéric, qui ne lâche plus son fixie depuis deux ans, se défend. « Quand on roule sans freins, on est plus prudent, donc on anticipe beaucoup plus. »
Des sensations inédites
Rouler en fixie n’a rien d’une promenade de santé. Il n’y a aucun répit : pour avancer, il faut pédaler, l’effort est constant. Une particularité qui s’explique par l’absence de roue libre. À Paris, Lyon ou Marseille, les adeptes du fixie se retrouvent pour « rouler ». À l’image d’Alexandre qui a organisé un Paris-Roubaix en pignon fixe le 10 avril 2010. Ou de Thibaut qui raconte chercher l’adrénaline en dehors de Paris pour plus de sécurité. « Dernièrement, on a fait Paris-Troyes (180 km) à 27 km/h. Le fixie permet de se dépasser physiquement. »
Débarrassé de tous ses accessoires superflus, l’engin, très léger, (environ 6 ou 7 kilos) est beaucoup plus maniable qu’un vélo classique et offre des sensations inédites. « Ce qui m’a plu, c’est cette sensation de faire corps avec la machine. Non seulement on va vite, mais surtout, on a un contrôle très fin de la trajectoire, explique Jean-Frédéric, un amoureux du vélo de 42 ans. La bécane réagit à chaque impulsion, c’est très agréable. On a l’impression de glisser sur le bitume. « Depuis que j’ai un fixie, je ne peux plus enfourcher mon VTT, confie Paul, étudiant parisien de 19 ans. Ce sont des vélos nerveux, très bien adaptés à la ville, on se faufile facilement entre les voitures et on file. »
La vitesse, justement, est parfois grisante. « En fixie, grâce à l’inertie du pédalier et de la roue, on prend rapidement de la vitesse et on n’a plus envie de s’arrêter à tous les feux rouges. Les pédales tournent tout le temps, on est entraîné par le mouvement, c’est la folie ! », raconte Paul.
Rafraîchir de vieux biclous
Même sentiment chez Simon, Lyonnais de 22 ans. « Emportés par la vitesse de nos machines, on roule parfois aussi vite que les voitures, on slalome entre elles. Du coup, on a l’impression que la route nous appartient. On est un peu les rois, on peut tout faire. »
Mais amateur de fixie ne rime pas forcément avec accro à la vitesse. « On est des cyclistes comme les autres, on a simplement des vélos différents. Moi j’ai choisi le fixie pour l’amour des belles pièces et le plaisir de retaper des vieux vélos », explique Jean-Frédéric. Pierre, 37 ans, avoue lui aussi rafraîchir de vieux biclous. « Je passe du temps à récupérer des pièces, à les échanger et à bichonner ma bécane. » Depuis qu’il s’est découvert cette passion il y a 2 mois, son fixie ne le quitte plus.
Initialement l’apanage des coursiers new-yorkais, séduits par sa légèreté et sa simplicité mécanique, le fixie s’est popularisé dans les rues de San Francisco. Son usage s’est aujourd’hui démocratisé, notamment chez les jeunes cadres dynamiques, qui s’en servent comme moyen de déplacement quotidien. Le pignon fixe, c’est plus fun que le vieux VTT avec des gros pneus, plus esthétique aussi. Et surtout, chaque objet est unique. À Paris, Nantes et Marseille, trois magasins proposent de monter des fixies à la carte. Une autre particularité, qui permet de personnaliser à l’infini son vélo. Mais toutes ces originalités se paient : comptez 800 euros environ.
« J’ai un côté bobo, admet Pierre. C’est d’abord un bel objet. Et en plus que je suis le seul à posséder. J’aime me démarquer des autres, me faire remarquer. Après, une fois qu’on l’a, on est séduit par ses aspects pratiques. » Le succès du fixie est tel que des demandes inattendues surgissent. « En ce moment, le gros de la demande, ce sont des vélos de décoration d’intérieur. Certains souhaitent même que je les accroche aux murs ! C’est très branché. Il faut dire les vélos sont personnalisables jusque dans les moindres détails, ce sont de véritables œuvres d’art ! », s’enthousiasme Thomas, du magasin Road Art à Marseille. Un plaisir qui peut coûter jusqu’à cinq ou six mille euros.
Plus qu’un effet de mode, la pratique du fixie est devenue une culture urbaine avec ses forums de fans, ses magasins qui fleurissent dans les grandes villes, véritables points de ralliement des passionnés, et ses rencontres dans toutes les grandes villes de France pour des courses ou des sorties. « Le pignon fixe est un vélo bon à tout faire : de la distance, des courses, des figures, des déplacements en ville », analyse Thomas, vendeur à Marseille. Son succès devrait donc se confirmer dans les mois à venir. À la fois nouvel accessoire à la mode, moyen de déplacement et sport extrême urbain, le fixie a le mérite d’avoir donné un sacré coup de jeune au vélo de route et de l’avoir inscrit dans le cercle des sports in.